lundi,2 juin 25
AccueilPolitiqueErnest Ouandié : Une vie de combat, un destin tragique, un héritage...

Ernest Ouandié : Une vie de combat, un destin tragique, un héritage immortel

Né en 1924 dans un village de l’arrondissement de Bana (Haut-Nkam), Ernest Ouandié est le cinquième enfant d’une fratrie de sept, issus d’un foyer polygamique. Dès son enfance, il se distingue par son intelligence et sa détermination. De 1933 à 1936, il suit ses études primaires à l’école publique de Bafoussam (quartier Famla), aux côtés de figures qui, comme lui, laisseront une empreinte indélébile dans l’histoire du Cameroun, à l’instar de Dr Tagny Mathieu, de Kame Samuel, et de Feyou de Happy.

En 1937, il poursuit sa formation à l’école régionale de Dschang et, en 1940, il réussit le CEPE ainsi que l’examen d’entrée à l’école primaire supérieure de Yaoundé, où il obtient, en 1943, son Diplôme des Moniteurs Indigènes (DMI). Cette bourse d’études lui ouvre les portes d’une carrière d’enseignant, mais aussi d’un engagement syndical et politique qui le mènera sur des sentiers tumultueux.

L’engagement : un chemin semé d’embûches

Dès 1944, Ernest Ouandié devient une figure centrale dans les cercles militants et syndicaux. Enseignant à Edéa, il adhère à l’Union des Syndicats Confédérés du Cameroun (USCC), une plateforme qui défend les droits des travailleurs camerounais face aux abus de l’administration coloniale. Mais c’est au sein de l’Union des Populations du Cameroun (UPC), à partir de 1948, qu’il trouve sa véritable vocation : la lutte pour l’indépendance totale et la souveraineté du Cameroun.

Ses affectations disciplinaires successives (Edéa, Dschang, Douala, Doumé, Yoko, et ailleurs) témoignent de l’inconfort qu’il cause à l’administration coloniale, qui tente sans relâche de limiter son influence. Malgré tout, Ouandié utilise chaque nouvelle affectation disciplinaire comme une opportunité pour étendre les réseaux de l’UPC et mobiliser de nouveaux sympathisants, même dans des zones reculées.

En 1952, il est élu vice-président de l’UPC, chargé de l’organisation. Il devient aussi directeur de La Voix du Cameroun, un organe de presse militant. Infatigable, il participe en 1954 à un voyage marquant en Chine, à Paris et à Moscou, qui renforce ses convictions révolutionnaires et internationalise la lutte pour l’indépendance camerounaise.

En mai 1955, après l’interdiction brutale de l’UPC et les massacres de ses militants par l’administration coloniale, Ernest Ouandié se réfugie dans le Cameroun sous administration britannique, à Kumba. Ce passage dans la clandestinité marque un tournant dans sa vie et sa lutte.

Le martyr de l’indépendance

Après l’indépendance nominale du Cameroun en 1960, sous Ahmadou Ahidjo, Ernest Ouandié devient l’un des derniers bastions de la résistance armée contre un régime qu’il considère comme une marionnette des anciennes puissances coloniales. En tant que président du comité révolutionnaire et chef d’état-major des forces combattantes de l’UPC, il mène un combat acharné pour la souveraineté totale du Cameroun.

Cependant, traqué par les forces du régime, il est arrêté le 19 août 1970 à Mbanga. Soumis à un interrogatoire brutal dirigé par  le sinistre Jean Fochivé, il est présenté comme un « traître à la République ». Son procès, joué d’avance, le condamne à mort.

Le 15 janvier 1971, sur la place publique de Bafoussam, Ernest Ouandié fait face à son destin. Menottes aux poignets, il refuse qu’on lui bande les yeux, un geste symbolique qui témoigne de son courage inébranlable. Avant que le peloton d’exécution ne fasse feu, il lance : « Vive la République, l’histoire jugera ! ». Peu avant, il avait dit à ses geôliers :  » Dites à mon épouse et à mes enfants que je n’ai pas trahi »

Les dernières heures d’un héros

Ce matin-là, sous le soleil montant, le peloton de soldats exécute successivement Raphaël Fotso et Gabriel Tabeu, deux camarades d’Ernest Ouandié. Lorsque vient son tour, il montre une sérénité désarmante. Aux provocations d’un soldat lui proposant une « bouteille de bière », il répond calmement en corrigeant : « Offrez-moi une bière, et non une bouteille de bière. »

Son corps, enseveli dans une fosse commune avec ses camarades et recouvert de béton, ne sera retrouvé que grâce à un acte de bravoure : une main anonyme a entouré son poignet d’un plastique, permettant des années plus tard d’identifier ses restes.

L’héritage d’Ernest Ouandié

Ernest Ouandié n’a jamais plié face à l’oppression, ni renoncé à ses idéaux. Il représente aujourd’hui un symbole de courage, de détermination et d’intégrité dans la quête de justice et de liberté. Bien qu’il ait été diabolisé par le régime de l’époque, son sacrifice résonne encore dans la mémoire collective.

En janvier 1991, il sera officiellement reconnu comme héros national, aux côtés de figures controversées, y compris son ancien bourreau. Cependant, pour les générations actuelles, son message demeure clair : « L’histoire jugera », et elle continue de rendre hommage à son combat pour un Cameroun libre et souverain.

En Ernest Ouandié, nous célébrons non seulement un homme, mais un idéal, une lumière qui inspire encore la lutte pour la justice et la dignité humaine.

Kweli Africa

RELATED ARTICLES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

- Advertisment -
Google search engine

Most Popular

Recent Comments